11/08/2025

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Les romances séléniennes de la Vieille Chine

01/11/1985
Tchang-O faisant son ascension vers la lune. Tang Yin [ 唐寅, 1470-1523 ], dynastie Ming.

Ce fameux poème de Li Po (dynastie des T’ang) que la plupart des enfants chi­nois peuvent réciter par cœur avant même d’aller à l’école est merveilleux et démontre l’affinité du peuple chinois pour le compagnon inséparable de la terre. De même que la lune a aussi ins­piré les poètes et éveillé des sentiments en Occident, les Chinois ont très tôt élevé la lune à un statut symbolique ca­pable d’évoquer de plus fortes émotions.

Une belle jeune femme, nommée Tch’ang-O, un lapin pilonnant quelques médecines chinoises dans un mortier, un bûcheron, Ou-kang, de jolies fées, un immense palais plus grand que tous ceux jamais vus sur terre, sont justement les personnages mystiques de légendes chi­noises qui habitent l’astre sélénien**.

Et l’enthousiasme chinois pour de nouvelles légendes et la lune n’ont pas été découragés par une sélénographie précise et ses puissants téléscopes, ni par l’engouement qu’a provoqué la véritable marche sur la lune par les astronautes américains (en fait des « sélénonau­tes»). Cette science et cet événement ont complètement échoué, car elles n’ont pu effacer des esprits ces légendes et ces rites. En effet, chaque année, le 15 de lune, lorsque la lune est pleine, chacun dans les campagnes sort le soir avec ses parents et amis pour l’ob­server. Contemplant son éclat, sa pâle blancheur, on cherche à deviner les rides de Tch’ang-O ou du Lapin de Jade (Yu-t’ou) et présente à l’astre phébéen*** son hommage par des chansons et des poèmes. Ce rite annuel et les diverses coutumes qui y sont attachées sont connus en Occident comme ceux de la fête de , dite aussi fête de

Bien que cette fête, telle que nous pouvons l’observer aujourd’hui, n’ait que quelques siècles, maintes coutumes et croyances qui l’entourent sont plus vieilles encore.

Dès le XVe siècle avant J.-C., sous la dynastie Chang, usait d’un calendrier lunaire assez sommaire pour computer le temps. Et au cours des siècles suivants, la société primitive chi­noise, essentiellement agricole, dut re­chercher quelques moyens pour la « fixa­tion » des saisons.

§ En effet, comme l’année lunaire (douze lunaisons) est plus courte d’envi­ron onze jours que l’année solaire (ou grégorienne), elle perd un peu plus d’un mois tous les trois ans solaires, ce qui finit par « retarder » les saisons dans l’année lunaire prise en compte. C’est pourquoi les Chinois ont ajouté des points de repères du cycle solaire (les Vingt-quatre Fêtes solaires d’après la position du soleil sur l’écliptique) plus utiles aux paysans, ainsi que de mois (lu­naisons) embolismiques réguliers pour la « fixation » des saisons. Et tout natu­rellement ils ont développé une science concernant le comput de la lune et de ses mouvements.

Les Chinois parvinrent assez rapide­ment à une connaissance profonde des éclipses lunaires. Comme ces dernières étaient d’ailleurs considérées comme un présage d’infortune, une source de mal­heur naturel, à l’époque d’une éclipse lu­naire, les gens se mettaient à battre du tambour et de la cymbale pour aider au « salut » du satellite; les magistrats locaux ne portaient aucun vêtement d’apparat et s’abstenaient de danser et de jouer de la musique, une contribution personnelle à l’effort salvateur commun. Dès cette époque, les Chinois ordonnè­rent les rites, les façons de faire et, à chaque fois sans faillir, ils faisaient beaucoup de bruit en signe d’appel à la lune, ce qui conduit aux néoménies.

Mais dès le IIe siècle avant J.-C., les Chinois avaient fait assez de progrès en sciences astronomiques pour pouvoir cal­culer les éclipses de lune et, bien sûr, la superstition qui les entouraient finit par s’estomper.

Parmi les nombreuses légendes chi­noises à propos de la lune, la plus ancienne et la plus populaire est certainement celle de Tch’ang-O [ 嫦娥 ]. Mais presque tous ces contes ont plus d’une version.

Il y a plus de 4 000 ans, sous la dynas­ tie Hia (dont les « faits historiques » sont rapportés dans les annales sans être enwre archéologiquement démontrés), un archer du nom de Heou Yi [ 后羿 ] ap­parut sur terre. A l’origine, être divin dans le paradis des immortels, il fut dé­ pêché sur terre par l’Empereur de Jade, ou Yu-houang [ 玉皇 ], l’auguste souverain du panthéon chinois, pour aider les mortels affligés de plusieurs catastrophes.

Auparavant, l’Empereur de Jade en transformant ses dix fils en soleil avait ordonné que l’un d’eux seulement tra­versât le ciel chaque jour et apportât cha­leur et lumière à la terre en aidant les mortels à faire mûrir leurs récoltes. Mais les dix n’écoutèrent pas leur père et ap­parurent ensemble dans le ciel causant sur terre la sécheresse et la famine. Les animaux mouraient et les plantes périssaient.

L’Empereur envoya donc Heou Yi et sa ravissante épouse, Tch’ang-O, au­ paravant Heng-O [ 姮娥 ]****, sur terre pour s’enquérir de la situation et prendre les dispositions nécessaires au salut des mor­tels. Heou Yi chercha d’abord à s’en­tendre avec les dix soleils, les pressant de se conformer aux ordres divins, de suivre la route qui leur était à chacun dé­signée, ce qui sauverait les habitants sur terre de cette grande misère. Mais les so­leils se rirent de l’appel de Heou Yi et se rapprochèrent un peu plus de la planète, causant des dommages encore plus grands aux êtres vivants. Furieux et n’ayant plus aucun recours, Heou Yi banda son arc et s’en alla tuer de ses flèches magiques neuf soleils, n’en lais­sant qu’un seul, celui qui nous éclaire aujourd’hui.

Bien que cette action fut salvatrice pour les terrestres, l’Empereur de Jade en fut très fâché. En effet, comme Heou Yi avait massacré neuf de ses dix fils, il interdit à Heou Yi et son épouse, Tch’ang-O, de revenir au paradis auprès des autres divinités et immortels du pan­théon chinois. Tch’ang-O qui exécrait sa vie nouvelle chez les mortels en fut gran­dement vexée, mais on ne peut rien contre la volonté suprême de l’Empereur de Jade.

Pour le remercier de son aide et pour son excellence au tir à l’arc, les peu­plades de l’Est choisirent Heou Yi comme chef. A partir de ce point, le récit diverge.

L’un rapporte que Heou Yi accepta tant bien que mal sa nouvelle vie chez les mortels, occupé à rendre service aux humains au milieu de nombreuses diffi­cultés. Après quelque temps, il entrepris de faire un sacrifice à l’Empereur de Jade, espérant de lui son retour et celui de Tch’ang-O au paradis. Mais le souve­rain céleste resta inflexible et refusa le sacrifice, ce dont Tch’ang-O fut encore plus fâchée.

Une version contraire dit que Heou Yi devint un tyran cruel, opprimant la population orientale et finalement usurpa le trône de l’empereur T’aï K’ang [ 太康 ], de la dynastie Hia, ce qui aurait marqué un changement dynas­tique, un fait que rapporte des annales.

Quoiqu’il en soit, toutes les versions reconvergent. Heou Yi entendit parler d’un élixir d’immortalité avec lequel il pensait pouvoir satisfaire Tch’ang-O. Fa­tigué de ses interminables plaintes sur la vie dans ce monde des mortels, au milieu de la souffrance et de la mort, il se mit à la recherche de cette médecine fantastique.

Traversant des lieues et des lieues, surmontant toutes sortes de difficultés, il parvint à la demeure de de l’Occident, Si Wang-mou [ 西王母 ]. Lui offrant cette potion, elle l’avertit que la moitié du contenu suffisait à le rendre immortel, aussi y en avait-il pour Tch’ang-O. Remerciant la déesse, il s’en repartit chez lui.

Il parla de cette pation à Tch’ang-O, mais profita de son absence pour la cacher dans les combles de leur demeure et s’en alla. Tch’ang-O, revenue, aperçut une étrange lueur issue des poutrelles. Curieuse, elle s’en enquérit et y trouva la fameuse potion de l’immortalité. En­ tendant le galop d’un cheval au dehors (c’est Heou Yi qui revenait) et ne sa­ chant que faire, elle ouvrit le flacon et avala tout le contenu.

La version qui fait état de la cruauté de Heou Yi explique l’acte de Tch’ang-O comme un bienfait. En effet, en l’empê­chant de devenir immortel, elle évitait au peuple une tyrannie éternelle.

Et là encore, toutes les versions se mettent d’accord. Après avoir avalé cet élixir, Tch’ang-O eut la sensation d’être très légère et, sortant dans la cour, elle commença à flotter dans les airs. Lorsque Heou Yi l’aperçut, il comprit aussitôt ce qu’il se passait. Il banda aussi­ tôt son arc et décocha plusieurs flèches vers sa femme sans avoir vraiment le cœur de l’abattre si bien que Tch’ang-O poursuivit sa lente ascension. Mais elle ne rentra pas au panthéon céleste chi­nois, elle s’arrêta sur la lune au « Palais de froidure » où elle demeure depuis.

Une autre légende sur la lune, sous la dynastie T’ang qui fut l’un des âges d’or des arts et des lettres de , rapporte que l’empereur Hiuan-tsong (Li Long-ki, règne 712-754) se rendit lui-même sur la lune.

Un soir, comme tout dormait, il partit sur la lune en passant sur un arc­ en-ciel qui faisait pont jusqu’au satellite où il vit un palais gigantesque sur lequel était écrit ces mots « Demeure de l’im­mense froidure et de la limpide vacance ».

Autour de ce palais, il entrevit une multi­tude de jolies fées sous les cassiers assises sur de magnifiques faisans argus, ou louan [ 鸞 ], symbole de l’harmonie con­ jugale, auprès de phénix, ou fong [ 鳳 ], symbole d’heureux augures. Elles jouaient une douce musique qu’il n’avait jamais entendu auparavant. A son réveil, il se souvenait très bien de ce voyage mais ne pouvait se rappeler des notes de cette musique merveilleuse, sauf que c’était le plus beau morceau qu’il avait jamais entendu. Plus tard, sa mémoire lui revenant, il composa l’air Ni-Ichang Yu-yi Kiu [ 霓裳羽衣曲 ], l’une des plus belles compositions de toute la dynastie T’ang.

En plus de Tch’ang-O et du songe de l’empereur Hiuan-tsong, la lune est aussi habitée par le Lapin de Jade, ou Yu-t’ou [ 玉兔 ] et le bûcheron Ou-kang [ 吳剛 ] qui étudia l’art de l’immortalité. (On écrit aussi Wou-k’ang.) Pour avoir découvert quelque secret divin au cours de ses études, Ou-kang offensa les dieux et fut banni sur la lune. Là, il reçut une immense hache avec la tâche d’abattre un immense canéficier sur la lune avant de pouvoir retourner sur terre. Mais, à mesure qu’il entaillait l’arbre, celui-ci grandissait d’autant, de telle sorte qu’il n’ajamais pu achever cette épreuve.

Quant au Lapin de Jade, on ne sait ni pourquoi ni comment il parvint sur la lune, personne ne l’a conté. C’est pour­ tant là qu’il pilonne sans arrêt quelques médecines chinoises dans un mortier.

Dans une certaine mesure, on peut comparer Tch’ang-O à Phœbé ou Sélênê des Grecs, jeune femme issue des dieux olympiens et personnification de la lune. Mais elle n’a pas l’importance qu’occu­pait Artémis, ou Diane chez les Ro­mains, dans le panthéon grec, ou latin.

De nombreuses histoires depuis cette époque courent sur la pleine lune du huitième mois*****, une époque de l’année où la chaleur de l’été s’est atté­nuée, mais où le froid de l’hiver n’est encore arrivé. Cependant, ce n’est pas avant la chute de la dynastie Yuan (en 1368) que la fête de a pris sa forme actuelle. Cette année, exceptionnellement tardive, elle est tombée le 29 septembre.

Les souverains Yuan étaient des Mongols venus des steppes au nord de avaient certes militairement conquis le pays, mais les habitants op­primés par diverses mesures vexatoires les haïssaient et les supportaient d’autant plus mal.

§ Après une période de paix imposée et de prospérité en pays chinois à la fin du XIIIe siècle sous le long règne de Khoubilaï khan, qu’a décrit Marco Polo, les querelles intestines de la dynastie gengiskhanide (ou khoubilaïde) ont pesé lourd sur le peuple conquis. En vingt-ans, de la mort de Timour khan****** en 1307 à l’avènement de Toghan­ Timour, encore enfant, en 1332, pas moins de huit souverains, ou grands khans, se sont disputés et succédés sur le trône chinois. Les souverains mongols, contrairement à d’autres dynasties étran­gères en Chine, ont toujours maintenu les lois dynastiques et les titres mongols avant tous les autres. Ils ont ainsi con­firmé leur « barbarité » en pays de con­ quête, ce que les Chinois ont le plus exécré.

Un chef chinois, Tchou Yuan-tchang [ 朱元璋 ], (empereur T’aï-tsou, de la dy­nastie Ming, règne Hong-wou 1368-1398), s’engagea à les renverser et prit les armes. Mais devant les forces mi­litaires mongoles, il ne put réaliser ce dessein sans faire appel à la révolte géné­rale, notamment dans le Nord du pays. Cet appel semblait presque impossible sous l’œil vigilant de la garde tartare. Pour la réussite de ce plan, Lieou Po-wen [ 劉伯溫 ], son aide de camp, sug­géra que toutes les directives de ce soulè­vement devait être minutieusement expliqué au peuple. Le message devait lui parvenir à l’intérieur de petits gâteaux ronds tandis qu’une rumeur était répan­due : une grave épidémie menaçait le pays, mais en mangeant ces gâteaux ronds, le peuple en serait imunisé. Ces gâteaux particuliers furent donc distribués par des Chinois sans éveiller le moindre soupçon des troupes mongoles. Tout cela réussit, et la révolte générale qui s’était ainsi doucement préparée put renverser la dynastie mongole, ou tartare comme l’appelle les Chinois.

§ En fait, les Yuan furent chassés de Khanbalik (Cambaluc, ou aujourd’hui Pékin) et de Chine et repoussés au-delà de Toutefois, l’em­ pereur Toghan-Timour réussit à se main­tenir à Chang-tou (Xanadu), près de l’ac­tuelle Dolonor, en Mongolie intérieure (province de Tchahar), la seconde capi­tale dans les sables où se faisait l’élection du grand khan qui y recevait l’allégeance des hordes mongoles. La dynastie Yuan, devenue Yuan du Nord, dura jusqu’en 1399. Après, le centre de gravité des forces mongoles se déplaça vers l’Ouest dans un effort de regroupement des dif­férentes hordes mongoles disséminées jusqu’en Ukraine. Quant à lui, l’empire Ming, ou chinois, fermait les frontières tandis qu’une renaissance des arts et des lettres florissait en Chine.

§ La guerre contre les Tartares par T’aï-tsou (règne Hong-wou 1368-1398) permit de repousser définitivement le danger mongol, comme la dynastie Yuan (gengiskhanide) s’éteignait avec l’assassinat du grand khan Togouz­-Timour en 1389 au milieu de luttes intestines qu’activaient les forces centrifuges de cet empire et la pression militaire extérieure. La turbulence des Mongols provoqua une dangereuse expédition par Ying-tsong (premier règne Tcheng-t’ong 1436-1449). Ce fut un désastre militaire puisque l’empereur chinois fut fait pri­sonnier en 1449. Il fut libéré l’année suivante plus à cause de l’anarchie qui ré­gnait chez les Mongols que de l’aide de son pays où il avait été abandonné et même remplacé sur le trône par son frère King-ti (règne King-taï 1450-1456). Il recouvra le trône (deuxième règne Tien-chouen 1457-1464) après un coup d’état pendant une maladie de King-ti.

Depuis la révolte générale contre les Mongols, les gâteaux de lune, tels qu’on les connaît aujourd’hui, marquent d’une façon plus populaire cette fête de ­-Automne dont la date fut définitivement fixée. C’est aujourd’hui l’une des trois principales fêtes mobiles de l’année (par rapport au calendrier grégorien officielle­ment adopté en Chine en 1912) avec le Nouvel An chinois et la fête des Bateaux­ Dragons (ou de Touan-wou).

A côté de la dégustation de gâteaux de lune avec les parents et amis sur le seuil des maisons, d’autres coutumes se sont associées à cette fête.

En cosmologie chinoise, la lune re­présente l’élément féminin. Et le soir de la fête, la gent féminine de la maison pré­sente les offrandes à la lune. Les of­frandes et les rites à la lune ont en fait une origine très ancienne étroitement liée à la société agricole traditionnelle. Après avoir brûlé l’encens et récité les prières, les membres féminins de la fa­mille sortent sous la pleine lune pour prédire leur horoscope de l’année à venir. Elles cherchent des lieux isolés dehors pour rester à l’écoute de conver­sations de passants dont les opinions sur la vie sont des indices fastes ou néfastes.

La lune, selon la tradition chinoise, représente aussi la fécondité. Avant la dynastie T’ang (618-907), les légendes concernant la lune sont beaucoup trop nombreuses pour en faire la liste. Il faut tout de même citer celles nombreuses sur les femmes qui, pendant leur gros­sesse, ont rêvé d’avoir croqué un mor­ceau de la lune. Elles ont donné nais­sance à de grands hommes de lettres ou d’Etat, voire des empereurs, à mère du fondateur de la dynastie Hia (Yu le Grand) devint enceinte par une promenade au clair de lune.

D’après certaines coutumes qui dif­fèrent selon les régions de Chine, les fa­milles sans postérité cherchent bien sûr à s’assurer l’annonce d’un héritier mâle. Par exemple, dans le Koueïtcheou et l’Anhoueï, une femme qui, après avoir prié à la maison toute la nuit de la pleine lune, vole au petit jour un melon dans le potager du voisin donnera naissance l’année suivante.

La lune, objet d’affection particulier des poètes chinois, l’est plus encore lors de la fête de lettrés et les poètes se réunissent ensemble ce soir-là pour « apprécier l’astre noc­turne ». Ces réunions sont généralement de joyeuses libations. Comme la soirée s’étire, une autre soirée sera décidée pour la composition d’élégies et de poèmes « lunaires ». Ces merveilleux poèmes, sans doute composés lors de ces réunions, sont ainsi parvenus jusqu’à nous.

Malgré les connaissances scienti­fiques sur le satellite terrestre, il est peu probable qu’elles effacent à jamais l’atta­chement sentimental et le romantisme des Chinois pour la lune. Par cette soirée plus fraîche de la fête de , les jeunes amoureux s’en vont la main dans la main sous le disque blafard, en tentant toujours d’attendrir la belle et unique Tch’ang-O. ■

*Khan (sans aucun accent) est l’orthographe agréée française pour désigner les souverains des peuples al­ taïques (turco-mongols). Avec les conquêtes mon­goles du Moyen-Age, ce titre est passé dans le monde arabo-persan (musulman). Il s’est parfois mêlé à des titres locaux : en Iran, un khan est aussi un gouverneur de province. Titre de respect, il est juxtaposé au nom. Quelquefois, ce mot est à tort au­trement orthographié.

Mot d’origine altaïque, il est passé dans la langue persane (khân) qui l’a transmis en Europe par l’arabe. Pour transcrire la vélaire sourde fricative /x/ qu’il ne possède pas, le français moderne use du groupe KH plus distinctif qu’il prononce /k/. Mais celle convention, si elle est en gros respectée (mots d’origine arabe, russe), n’est pas universelle, en ce sens que certains auteurs lui ont préféré d’autres symboles littéraux. C’est le cas du mandarin (pékinois) où ce son est transcrit H. En d’autre cas, ce son exotique est tout simplement remplacé par un K. Quoiqu’il en soit, ce mot s’écrit khaghan en mongol, mais qui par l’élision normale de la consonne mé­diale (vélaire sourde), transcrite ici GH, entre deux voyelles se prononce tout simplement kha’an ou khân. Il possède toujours le son initial /x/ que les lan­gues persane et arabe ont justement conservé. Mais les langues européennes du Moyen-Age l’ont géné­ralement écrit kaan (ou caan). Marco Polo a généra­lement transcrit ce son dans les noms de personne et de lieu par le son /k/, soit C ou CH en italien (gênois). En français, il est plus savamment ortho­graphié ‘khan’ d’après son origine arabo-persane, mais, en la matière, on trouve quand-même d’autres orthographes, khaghan, khaan, qan, qaghan, kan, han, haan (liste non exhaustive).

D’autre part, le pays, la dignité et le règne d’un khan est le khanat.

Liste des grands khans mongols Temoudjin ( «Taï-tsou»), Gengis khan, khan univer­sel 1206-1227

Ogotaï («Taï-tsong»), khan suprême 1229-1241 dont la mort sauva l’Europe de l’invasion mongole. Gouyouk (« Ting-tsong »), grand khan 1246-1248

Monka (Mangou) (« Hien-tsong », grand khan 1251-1259

Khoubilaï (Che-tsou), grand khan 1260-1294 empereur (houang-ti) de Chine 1271, fin des Song 1279.

Timour (Témur) (Tcheng-tsong), grand khan 1294-1307

Khaïchan (Khachang) (Wou-tsong), grand khan 1307-1311

Ayourparibhadra [Bouyantou] (Jen-tsong), grand khan 1311-1320

Çoddhipala ( Ying-tsong), grand khan 1320-1323

Essen-Timour (Taï-ting-ti, Kin-tsong), grand khan 1323-1328

Assoukepa (Tien-chouen-ti), grand khan 1328

Tob-Timour (Wen-tsong), grand khan 1328-1329

Khossela (Khoussala) (Ming-tsong), grand khan 1329

Tob-Timour (Wen-tsong) (2), grand khan 1329-1332

Ritchenpal (Ning-tsong), grand khan 1332

Toghan-Timour (Chouen-li, Houeï-tsong), grand khan 1332-1370

chassé de Chine 1368

Ayourçridara [Biliktu] (Tchao-tsong), grand khan 1370-1378

Togouz-Timour (Heou-tchou), grand khan 1378-1389

Le nom personnel des souverains mongols est ici orthographié selon l’usage français. Le nom cano­nique chinois est mis en italique entre parenthèses; celui des quatre premiers souverains leur a été attri­bué sous Khoubilaï khan lors de la « canonisation » de la dynastie Yuan. Les Mongols furent les premiers à ne pas prendre un nom de lieu comme nom dynas­tique et d’empire. Yuan [ 元 ] signifie « commence­ment, origine ».

*Li Po est aussi appelé Li Taï-po (nom de plume). En chinois moderne, le caractère po se lit pai; d’où les appellations de Li Paï ou Li Taï-paï. Pour nos lec­ teurs plus curieux, une meilleure approche de ce cé­ lèbre couplet (quatre vers pentamélriques) s’impose. Voici donc la prononciation pékinoise des caractères sans annotation du ton. Titre: Tehying yé sseu. Poème: [Teh’ouang leh’yenn ming yué kouang, [Yi eheu li ehang ehouang; [Tehyu l’OÔ wang ming yué, [Ti t’oô sseu kou ehyang. (L’apostrophe après lch ou t marque l’aspiralion de ces lellres.)

**Sélénien, de Sélênê, personnification de

***Phébéen, de Phoebé (ou Phoïbé), déesse de

****Teh ‘ang-O s’appelle en réalité Heng-O. Comme le prénom « canonisé » de l’empereur Wen-li, de la dy­nastie Han (règne 180-157 av. J.-C.), était similaire et homophone [ 恒, heng ] au premier caractère de Heng-O, on changea le nom de Heng-O en Tch’ang-O, nom sous lequel elle est désignée depuis plus de deux mille ans.

Dans de nombreux ouvrages français qui y font référence, Tch’ang-O est orthographié Teh’ang-ngo, conformément au syslème de transcription française du chinois de l’Ecole française d’Extrême-Orient (EFEO). Or, la nasale gutturale NG n’existe pas à l’initiale d’une syllabe en pékinois, ou langue nationale chinoise (kouo-yu). Elle est donc omise dans la transcription de toutes ces syllabes vocaliques ou­ vertes [aï, an, ang, ao, en, eou, 0 (e), ainsi que a, eng et ], ce qui est une plus grande approche de la pro­nonciation chinoise à condition de respecter la lec­ture séparée de chaque syllabe qui interdit toute liai­son (cf. libre, numéro juillet-août 1985, page 28, note). Dans l’exemple cité, la majuscule de la voyelle syllabique est purement typographique.

*****Le VIIIe mois du calendrier traditionel chinois contient d’une manière générale l’équinoxe d’au­tomne. La pleine lune de celle lunaison qui est la fête de se situe entre le 30 août au plus tôt et et le 29 septembre au plus tard. L’addition d’un mois embolismique avant celle lunaison peut théoriquement en repousser la date ultime.

******Timour khan (1265-1307), petit-fils de Khoubilaï khan, lui succéda comme grand khan des Mongols sur le trône de Pékin (Cambaluc). Il est plus juste­ment désigné Témur khan, selon la prononciation mongole. Il ne doit pas être confondu avec Timour (1336-1405), khan mongol de Djagataï (Asie cen­trale), qui ravagea tout le Moyen-Orient, épargna l’empire byzantin contretribut, écrasa les Turcs os­ manlis à Ancyre (Ankara), pilla Bagdad et anéantit l’ilkhanat de Perse. Il avait fondé le deuxième empire mongol (timouride) en 1369 tandis que le premier (gengiskhanide) plongé dans la décadence était refoulé vers les steppes du désert de Gobi (1368). Timour avait reçu le surnom de Lang (le boiteux), d’où son appellation occidentale de Tamerlan (altération de Timour Lang).

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